Une rencontre carnavalesque

Voici la dernière aventure de Bèt à fé notre exploratrice naturaliste, elle a fait une nouvelle découverte.

Voici son récit :

Alors là !! Mes amis, j’ai fait une rencontre, que rien que d’y penser j’en ai encore les soies qui se dressent sur la cuticule.

Un peu las de l’afflux touristique en cette période de carnaval, mais aussi chagrine à l’idée que le carême soit déjà là et que je ne puisse plus profiter des soirées humides pour faire mes parades lumineuses, j’ai décidé de prendre un peu de hauteur et d’humidité en rendant visite à mes copines du Morne Bigot. Histoire aussi de les convaincre de m’accompagner au vidé pyjama du lendemain aux Anses d’Arlet.

Arrivée un peu tard, la soirée était déjà bien avancée et certains de mes congénères commençaient déjà à clignoter ; je décide de passer en slalom entre les arbres de la forêt et non de longer la route.

Quand soudain……

je tombe les antennes contre deux grosses pattes repliées et une toute petite tête surmontée de deux yeux ENORMES !!

Surgissant dans la pénombre : deux pattes préhensiles et deux gros yeux !

– Bonjou Manzel ou peut-être Misié, qui êtes-vous ??

– Alors moi c’est manzel !! Vous voyez bien que je ne porte pas d’ailes, bien que ma dernière mue (la huitième) ait eu lieu il y a 3 semaines. Je suis une mante, les humains me nomment Oligonyx insularis (Bonfils 1961). Mais attention pas une mante religieuse, mante tout court !! La religieuse c’est ma grosse cousine verte ou marron qui vit en Europe. Mais qu’as-tu à trembler des six pattes?

Je suis une belle femelle adulte aptère de 37 mm.

– C’est que ..ben..heueu…avec de telles pattes, vous n’auriez pas envie de me manger par hasard ?

– Ah ah !! N’ayez crainte tite bèt à fé, vous êtes bien trop grosse pour que je vous croque, vous avez bien remarqué que mes pattes ravisseuses ne sont pas assez grandes pour coincer votre cuticule. Je ne me nourris que de petites mouches, voire de petits papillons de nuit qui volent autour de moi, mais jamais de guêpes (même les toutes petites, je crains leur piqûre).

Sans trop me fatiguer je n’ai qu’à attendre de les prendre au piège de mes terribles pattes ; ce n’est que lorsque je suis jeune que je parcours les branches de la forêt humide à la recherche de proies pour satisfaire mon appétit féroce.

une rencontre carnavalesque
Toujours bien prendre soin de mes armes de chasse.

– Rien que de petits diptères, vous dites ?

Parce que vous faites drôlement peur, panibesoin de déguisement pour vous le mardi gras, une tite touche de bombe de peinture rouge et vous paraîtrez un parfait diable rouge, si je puis me permettre. Vous ne devez craindre personne ?

– Ah mais détrompez-vous belle manzel de lumière, lorsque j’étais petite, j’étais sans cesse sur le qui-vive, à rester cachée sous les feuilles ou contre les troncs pour ne pas paraître visible de ces prédatrices à 8 pattes qui aiment nous dévorer. Sachez qu’à ma naissance, je ne mesure pas plus de 4 mm. Je suis donc sans défense sous les coups des chélicères de ces araignées qui ne cessent de nous épier de tous leurs yeux.

La journée, bien rester cachée à l’abri des prédateurs.

– C’est donc pour cela qu’on a beaucoup de mal à vous rencontrer.

Mais alors comment vous faites lorsque viendra le moment de trouver l’âme sœur et de penser à concevoir de nouvelles mantes ?

– Pour cela pas d’inquiétude, nous sommes des pros !! En plus nous avons développé deux stratégies. Entre mai et octobre, je vais libérer une grande quantité de phéromones (mes signaux chimiques pour prévenir qu’il est temps) qui vont attirer un ou plusieurs mâles, capable de me rejoindre de très loin parfois.

Mais pour eux pas de problème, ils ont des ailes et peuvent voler plusieurs centaines de mètres pour nous trouver. Et une fois qu’ils nous ont trouvé ces misié, il faut voir dans quel état cela les met !! Et vas-y que je virevolte autour de ma prétendante, que je garde les ailes déployées et tremblantes, en paradant, tournant et retournant. Tout ça pour un accouplement qui va durer de 15 à 55 minutes. Mais comme ces messieurs sont trop gourmands, c’est quand ils reviennent à la charge qu’alors je me permets de les coincer dans mes pattes avant pour les dévorer. Nous, femelles, ne le faisons pas systématiquement, mais faut pas trop nous embêter, c’est ce qui fait la réputation de notre famille des Mantidae.

Après l’accouplement, notre abdomen se gonfle, pour la ponte de l’oothèque.

– Et c’est quoi alors, la seconde stratégie de votre reproduction ?

– Et bien ma petite, c’est la parthénogénèse !! Cela t’en bouche les mandibules !! Et thélytoque de surcroît…

– Quoi, comment…. c’est une stratégie de reproduction ces mots barbares ??

– Et oui, en fait, même si je ne rencontre pas de mâle, je serais capable de pondre une oothèque avec des œufs qui écloront bien qu’ils n’aient pas été fécondés. Ça c’est la parthénogénèse, et comme ne sortirons de ces œufs que des femelles (des clones de moi, comme quoi les grands généticiens humains dans leurs labos n’ont rien inventés), alors on dit thélytoque.

– Ouh là, j’ai les ganglions nerveux saturés, une dernière question madame : oothèque qu’est-ce ??

– Et bien c’est une sorte de mousse légère de 4 à 5 mm de long que je vais pondre contre une feuille ou une branche dans laquelle je vais déposer de 6 à 15 œufs allongés en forme de croissant de 3 mm maxi.  Comme cela je peux fabriquer jusqu’à 9 oothèques sur une période de 90 jours. Et c’est en moyenne 26 jours après la ponte que mes œufs vont éclore. Il leur faudra 100 à 120 jours pour devenir de beaux adultes qui pourront vivre de 45 à 50 jours s’ils sont des mâles ou bien 100 à 150 jours pour des femelles.

Et oui ! Les femelles adultes vivent deux fois plus longtemps que les mâles.

– Merci pour toutes ces informations mon amie, désormais je n’aurais plus autant peur lorsque je croiserai un de tes congénères. 

Au revoir et joyeux carnaval !!

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