Au cours d’une balade en forêt, j’ai croisé un jeune scientifique qui cherchait quelque chose dans le sol. Qu’y avait-il de si intéressant dans la terre? Un trésor? A manger?
Ni une ni deux, afin d’éclairer encore plus ma lumière, moi Bèt à fé, je suis allée le voir pour savoir qui il était et ce qu’il faisait.
Il s’agissait de Mathieu Coulis, un scientifique qui travaille sur l’écologie du sol. Il m’a alors expliqué qu’il cherchait des isopodes. Moi qui croyait qu’il avait perdu un objet électronique quelconque comme les humains en ont tant ! Lorsqu’il m’en a dit plus à ce sujet, j’ai enfin compris qu’il parlait de ces petites bêtes qui veulent se faire passer pour des insectes comme moi.
Voici ce qu’il m’a raconté, afin que vous en appreniez autant que moi :
On connait mal les isopodes en Martinique. Ils n’ont même pas de nom créole. Ils ont réussi à s’adapter à des milieux de vie très diversifiés. Parmi eux, les cloportes (Oniscidae) sont les seuls crustacés à être totalement adaptés au milieu terrestre. Au contraire des crabes qui doivent retourner pondre leurs œufs dans le milieu aquatique car leur larve est aquatique. Les isopodes se différencient des autres crustacés et invertébrés car ils ont sept paires de pattes. De plus, ils n’ont pas de pince ou d’organes différenciés au bout de leurs pattes. Celles-ci elles sont souvent semblables. C’est pourquoi on les appelle iso-pode (du grec isos « même » et podos « pied »).
On rencontre cette espèce de Trichorhina très répandu dans des milieux variés (jardins, zones cultivées, bordure de forêt). L’individu sur la photo a même été observé sous un pot de fleur. Les adultes mesurent entre 1 et 2.5 mm
Maintenant, que connait-on des isopodes de Martinique ?
Et bien pas grand-chose… En effet, quand en 2014 la société l’Herminier lançait un appel pour collecter des isopodes dans les Antilles, il n’y avait alors aucune espèce répertoriée en Martinique !
Il est peu probable qu’aucun isopode n’existe en Martinique; D’autant plus que six espèces sont répertoriées en Dominique et huit espèces à St Vincent… Après avoir arpenté les forêts et les bordures de champs, les plages et les composts, j’ai pu collecter un certain nombre d’échantillons. Je les ai envoyés à Frank Noël et Emmanuel Séchet, les spécialistes du groupe qui coordonnent l’inventaire national. Ils ont été surpris de distinguer pas moins de quinze espèces différentes. Certaines sont identifiées spécifiquement mais la plupart sont en cours d’identification.
Beaucoup sont de petites tailles.
Ainsi, elles passent facilement inaperçus comme ce Dubioniscidae (Photo 1) ou ce Trichorhirna (Photo 2) qui mesurent mois de 3 mm. Mais d’autres espèces sont plus grandes. Comme ce Philosciidae (Photo 3) que l’on trouve sur la montagne Pelée ainsi que dans des forêts humides comme au plateau Concorde. Tout aussi gros mais moins exceptionnel Cubaris murina (Photo 4) est visible dans la plupart des zones tropicales. Il apprécie particulièrement les tas de fumier, habitat où il a été observé à plusieurs reprises.
Peu connus du grand public, ces petits animaux sont en réalité des travailleurs de l’ombre qui jouent un rôle important pour le fonctionnement des écosystèmes.
En effet, les cloportes sont importants pour le sol. Ils participent à la dégradation de la matière organique et au recyclage des nutriments. Ils sont aussi des bio-indicateurs de pollution car ils sont sensibles aux polluants environnementaux. D’ailleurs, en étudiant les isopodes dans la canne à sucre bio et conventionnelle de la distillerie Neisson, j’ai constaté que les isopodes étaient deux fois plus nombreux dans les parcelles en conversion bio qui n’avaient pas reçues d’herbicides depuis 2 à 3 ans. Cela montre leur sensibilité aux herbicides qui sont abondamment utilisés pour maitriser le développement des mauvaises herbes dans la canne à sucre de Martinique (le rapport est disponible ici).
Cubaris murina, une espèce pantropicale que l’on retrouve dans les zones sèches et qui affectionne les milieux riches, à proximité des tas de fumier par exemple. Cet isopode mesure jusqu’à 1 cm de longueur. Elle a la capacité de se rouler en boule pour se protéger de ses prédateurs et éviter le dessèchement.
L’’inventaire se poursuit, alors n’hésitez pas à prendre en photo ou à collecter des spécimens (dans l’alcool 75°).
Vous pourrez ensuite me les faire suivre en me contactant à l’adresse mail suivante : mcoulis (at) gmail.com